dimanche 17 juillet 2016

654 - peut(-)être un journal






il pleut la mort dans l'âme. je ne parviens qu'à la fin. cet épuisement du sang. du nerf. du vif. et je dis oui. pour un peu de vérité quant aux bris des siècles que nous sommes: cette victoire délabrée. ce manifeste en lambeaux qui tète le vent. le jour en devient (par le chas d'une aiguille)

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La bouche couche le fruit debout du silence.

                                                       Boris Wolowiec

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lundi 18 05 2015

dans la cour _ les enfants _ ne meurent pas _ jouent _ il y a des cris _ ce sont des fontaines _ étincellent au soleil _ et des visages brûlent _ sans se consumer _ l'enfance a lieu _ maintenant _ : écoute

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acheté, ce petit carnet me procure une sensation agréable, comme des retrouvailles avec l'ami, de ceux-là dont la présence ne requiert pas de conversation. cela s'imprime, simplement. mais quoi? une durée qui ne nécessite pas de justification: comme de l'amour. cela verse, et se perd, et s'épuise. c'est accepté. cela reviendra. on en reste-là. On n'en reste pas là. Voilà tout.


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Barthes sur la brèche.

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il y a les visages de mes camarades dans le métro. il y a des regards qui se donnent au travers du vague. des choses qu'on ne saurait dire. il y a ta présence en forme de creux, puis en forme de plein, il y a ce clignotement que tu es: cette déflagration érotique - tout un chacun sans doute tient de cette déflagration érotique dont le soubassement reste une alternance d'éclipses et de venues, de nuits et de jours. A cette source le désir trouve de quoi converger vers une substance, aussi subtile soit-elle. il y a des bouts de phrase aussi, qui fabriquent de l'humain au fur et à mesure, pour le suave, pour le révoltant. et ces bouts de phrase sont la génération même. ils sont la matrice et le tombeau. il y a peut-être, enfin, des silences qui ponctuent et essaiment, jusqu'à s'agglutiner sous les significations, jusqu'au meurtre, jusqu'à l'acte de foi. 


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C'est une question 
          de révolte
     et de patience:

     la longue révolte
     d'une existence
     qui ne renonce
     pas à se défaire
     pour qu'autre chose
     advienne

une patience infinie
dans les contingences
diverses: la longue
langue de la révolte

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19 mai 2015

je prends un peu de temps. la parole s'est allongée. elle a rêvé. je regarde la fuite que je suis. cette échappée des thèmes à travers le camp. enjambant mourants et cadavres. il n'y rien de si drôle. ce cumul des atrocités que nous avons pour visage. la vie humaine est une perspective inhumaine dirait-on. il faut bien y consentir si l'on veut se montrer non inhumain.

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Soir venu, après technique des coudes inefficace, après l’eau tiède, après que dalle et 40mg de Relpax, Chrome, cette autre phrase :

J’aurais tant aimé ne pas être moi, alors ils n’auraient pas été eux, rien ne serait arrivé, il n’y aurait pas d’histoire et nous tous qui nous trouvions là serions sans destin, comme le sont, selon Rilke, les dieux...
Imre Kertész, Journal de galère, Actes Sud, traduction Natalia Zaremba-Huzvai et Charles Zaremba, P. 100.
                                                      Guillaume Vissac, journal, 12 Août 2013

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tu te réserves pour l'imprévu; c'est-à-dire que tu n'es pas au centre de ta propre vie. (c'est ce que permet l'espace et le temps au centre vide: la survenue d'un autre.)

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LA LONGUE LANGUE DE LA REVOLTE

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dimanche 14 avril 2016, chemin de halage, canal de Brienne

il y a ce vert éparpillé parmi les arbres, autant de petites œuvres qui constellent la lumière. c'est un printemps qui t'anime et t'émeut. simplement une fois de plus, une fois de moins. comment dire?

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je m'appelle belle graphisme, dit-elle. Elle jogge.


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Type 1 bis, court roman (temps de lecture: 2h30) à venir chez Gwen Català Editeur.
Une version elliptique: ici.

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L'eau est un événement dans le cours des choses.

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il vient cet instant des relations, quand vivre demeure un lacis de contradictions, quand les opposés se mêlent pour un érotisme. je constate à nouveau mes mains, comme elles sont étranges au bout: présences pragmatiques et poétiques, objets de toutes les convoitises: les mains font, font, font

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          tu prends le temps par la manche

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et puis cette joie de fonder une phrase, une simple et longue phrase, pour répondre à cette nécessité dérisoire selon laquelle il me serait profitable d'exprimer je-ne-sais-quoi précisément, je veux dire, je-ne-sais-quoi dont il me semble dépendre si je cherche à toucher ce qui compte vraiment, à savoir que je ne suis vraiment moi qu'à la limite où moi devient ce je-ne-sais-quoi, cette instance indéterminée et substantielle, cette matière vive qu'aucun nom ne saurait saisir, car un nom reste cette musique impuissante pour me dire, cependant que cette musique me ravit, c'est-à-dire qu'elle me donne d'être soustrait à moi-même et, ainsi, de me tenir au plus proche de ce que je suis, au plus intime de ce que je suis et qui, donc, n'est plus moi, et qui, donc, est plus moi que je ne pourrais jamais l'être, et dans ce lieu où je deviens moi sans m'atteindre tout à fait, là, à ce franchissement, je me tiens dans l'intimité paradoxale, fugace et insistante, d'une existence livrée au double mouvement suivant: celui d'une dissolution permanente de ce que vient d'être cette existence et celui d'un avènement continu de ce que devient cette existence, en d'autres termes, j'accède à la conscience, relative et sensible, d'un objet qui pourrait s'apparenter à ce que l'on désigne à l'ordinaire avec le mot présent, or ce substantif, chaque fois que je l'emploie, ou que je l'entends, me rappelle à son amphibologie, à savoir qu'un présent constitue également un cadeau, un don, et je reste dans l'expectative, considérant que cet objet de la durée, insaisissable, qu'on nomme le présent, pourrait être un don, et dès lors s'imposent deux questions, la première étant relative à l'auteur de ce don, la seconde se rapportant à la qualité, ou disons à la nature de ce don, nature impraticable qui se donne en son retrait et se dérobe en sa plénitude

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Le fil ténu de nos pensées, ne troublant pas le monde, articulant à peine, les détachant, dans la lumière de l’été, les syllabes douces de notre contemplation.

                                                       Isabelle Pariente-Butterlin

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et puis, parfois, c'est une indicible mélancolie qui aurait pris le visage d'un doute. comme si l'occident tout entier jeté dans une folle gueule de bois s'invitait précisément à l'endroit où je suis censé ressentir celui-là dont on me dit que je le suis. alors, bien entendu, la perversion de l'écriture s'impose seule activité adéquate pour nouer ensemble la civilisation et l'existence, toutes deux opaques et insistantes, dont je suis. ce n'est pas tant un récit dont cet état est une occasion, non, c'est une pratique arc-boutée sur un cœur qui, simultanément, constitue l'intérieur intime et l'autre en dehors. Mais comment se pourrait-il que je puisse travailler ainsi sur le socle innervé de failles d'un tel paradoxe? Une préparation s'avère nécessaire par laquelle engager soi dans la lecture des langues des écrivains et dans l'écriture pour rien, pour qu'il en soit de mon corps comme d'un objet trouvé sur le chemin, de manière fortuite, au cours d'une promenade, et pour qu'il en soit de mon corps comme d'une présence qui n'aurait pas pu ne pas être telle, appariée à ce nom que je porte si j'en crois certains papiers officiels.

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Ecouté les émissions d'Adler consacrées à Barthes sur France Culture. Il y a cet enfant à l'école où je travaille pour gagner ma vie comme on dit. Il s'appelle Roland. Quand je le vois, je pense toujours à cela, à la brèche. Je me dis: "T'es sur la brèche, Roland." Et je souris pour moi-même. C'est une very private joke en quelque sorte. Je penserai à Barthes quand je le croiserai à l'avenir dans un couloir, et peut-être même que je me dirai "Barthes encore sur la brèche."   

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J'ai eu ce projet d'écrire au sujet du canal de Brienne le long duquel je me promène chaque jour au prétexte trivial que mon chien doit prendre l'air. Mais aujourd'hui je n'ai plus ce projet; je ne saurais pas affirmer pourquoi, peu importe. Ce que je remarque et qui m'intéresse: le canal jonche depuis, sans relation avec quoi que ce soit, à la manière d'un détritus.

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Contrairement à l'homme, le linge est à la verticale quand il est étendu.

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La joie n'a pas de siècle.
Elle est indémodable, comme la chair qu'elle anime.

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Pendant l'acte sexuel, le corps est le temps.

                                                        Annie Ernaux

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Les jours fuient de nouveau. Et je regarde une vie fondre, et ruisseler, se perdre. Ce n'est pas grave. Il y aurait de quoi s'épancher sans doute. Les motifs de chasteté l'emportent cependant. La joie perce et je la favorise: je l'accueille et m'essaie à la devenir. Par chasteté, j'entends une adéquation entre les moyens et les fins, j'entends une coïncidence, qui ne doit pas tout au hasard, non, mais plutôt à ma capacité à apposer mon nom à la contingence générale que l'on nomme un destin à l'ordinaire, j'entends une coïncidence, donc, entre un désir qui m'anime et la vie que je mène. L'astuce, s'il en est une, consiste à favoriser une nature négative de l'objet de mon désir, de sorte que la vie que je mène soit fondée sur la recherche d'une instance qui ne se donne pas. Car, à vrai dire, jamais ne manque ce qui n'existe pas. Ainsi, ma chasteté, laquelle est cause de ma joie, n'est pas prise en défaut par les aléas du réel; soi disant...

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"Malgré nous, on doit en parler..."

                                                        Anise Postel-Vinay

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22 mai 2015

analyse terminée

qu'est-ce que je vais faire de mon analyse?

ma porte reste ouverte

vous me donnerez des nouvelles

"donner des preuves d'amour à ma femme"

"la termine"


"et vous, est-ce que vous voulez dire au-revoir?"

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2 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

la richesse des mots est parfois comme un trop-plein ou un trop-vide des sensations
se laisser embarquer sans plus penser à autre chose

Julien Boutonnier a dit…

C'est écrit comme cela, sans plus penser à autre chose, en devenant cette autre chose.
Merci Dominique du passage et des mots déposés.