lundi 8 septembre 2014

459 - LIVRE-AVRIL - 1 (provisoire)






1.

mes yeux je ne les ai plus      un oiseau 
s’amoncelle      au bas de ma voix      les os 
rêvent      ce que disent les yeux      quand tes yeux 
voient      la petite ombre      me tient      quelque 
chose      tombe       


le 11 avril 1945 / les troupes américaines ont pénétré Buchenwald / mais depuis longtemps personne ne serait plus libéré / depuis longtemps on a été la mort / depuis longtemps on a été la vie / la vie entière / la vie sans les hommes et les femmes / la vie d’avril on a été la vie d’avril / et le camp était de nous / et nous avions un camp / et nous étions ce camp / on s’est délaissé devant les soldats / on s’est laissé tomber devant les soldats / on est parti et sans visage / on est parti et sans thorax / on est parti et sans voûte plantaire / et l’avenir / on a été l’avenir / rien que l’avenir / on est resté dans le camp / on a marché dans les plaines / on a eu le camp dans le ventre ouvert à tous les sangs / plaies sans voix / on a chanté / on a été le chant des jours d’avril / on a chanté au fur et à mesure / on a chanté au fur et à mesure que le vent nous poussait vers l’impossible / ce fut un poème pour vivre ensemble / ensemble / on a été personne / on a manqué à l’appel de nos noms / on a manqué à l’appel de tous les sentiments de l’homme et de la femme / on a été le gouffre d’avril / on a été la mort et on a été la vie dans un seul chant / et personne ne nous a entendus / et pas même nous / et on est venu / pour voir ce qu’on était devenu / on ne s’est pas reconnu / nos corps avaient changé / ils avaient pris des forces / ils se tenaient debout / et ils se tenaient ailleurs / en dehors du camp / et ils parlaient / et ils avaient présence / et ils parlaient d’un nouveau monde / ils parlaient de construire un nouveau monde / mais nous on a été  le cri du camp / et la raison du camp / on a été la boue du camp / et les os du camp / et on est reparti / on est reparti avec l’avril / on est reparti dans l’avril / on s’est roulé dans les averses / on s’est logé dans les mains tremblantes d’avril / dans les mains fiévreuses d’avril / on s’est caché / dans le ventre d’avril / et dans l’amour blessé d’avril on s’est caché / dans son école de la vie et de la mort

de l’eau se lance       : 


non pas un corps qui cesse de porter sa vie, non pas un souffle qui s'amenuise et s'éteint, non pas une pupille qui s’évade, flotte dans le vague et se fige, non pas une main qui se crispe et se relâche

dénonce 
la stupeur de l’arbre que délaisse un vent

franc contour homme ébranlé mes forces et ma fatigue selon ton nom nous évoquons le fait que nous pourrions avoir un enfant depuis la mort ses poumons seront vides l’air se lasse dans ma peau on dirait une ombre qui ne sait pas son chemin 










Aucun commentaire: