mardi 29 avril 2014

441 - le médaillon - 13 - l'index - 10








Pour un plan d'ensemble de l'ouvrage, voir ici.













L'index - 10


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Histoire de ma disparition

Le deuil est une histoire d'amour sans lendemain


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Chapitre 7





Chaque fois le corps subsistait.

Un désir saisissait.

Il n'était plus question de disparaître. 

A peine alignais-je quelques lignes que cela s'embrasait.

Une nuque suait.

Une bouche s'asséchait.

Des yeux brûlants tournaient à vide.

J'attrapais un ventre à deux mains.

Chutais.

Gisais.

Tremblant.

La nuit avait quitté.

J'étais.

Séparé.

J'avais écrit pour disparaître.

Des milliers de pages attestaient  que j'avais créé.

Des milliers de pages acculaient.

Seul à même de décider ce que serait la destinée des feuilles manuscrites

Je ne voulais rien savoir de cette paternité.

Je savais ne pas avoir le choix. 

Quoi que je fasse cela relèverait d'une décision.

Cette irréfutabilité des effets de la présence.

Cette inexorabilité des actes. 

Chercher un oubli.

Un effacement.

Du temps à perdre.

Roulé en boule dans le corps d'une oeuvre je pleurais et subissais les assauts déchirants des pulsions qui tiraillaient une chair. 

Dans l'espoir que je puisse à nouveau déserter je plongeais dans l'écriture.

Le stylo filait sur la page pour semer une personne. 

Dans un ventre rugissait un désir qui ouvrait grand sa mâchoire et dévorait.

Je tentais de sédimenter comme aux premiers temps de vie sans une ma mère. 

En vain.

La nuit avait abandonné.

A la place s'élevait un visage innervé de crispations sexuelles. 

Je lâchais le stylo pour masturber.

La tension était telle que je ne pouvais tolérer.

Et comme je ne savais rien faire d'autre qu'écrire.

Et comme ne voulais rien faire d'autre qu'écrire.

Je masturbais autant de fois que je posais le stylo sur la page.

Ne vouloir pas avoir de face. 

Et le désir imposait de faire front.

Ne vouloir pas avoir d'histoire.

Et les feuilles manuscrites obligeaient à reconnaître qu'en vivre une c'était cela.

J'avais tant disparu qu'étaient exacerbées les forces positives d'une existence.

Sommé de loger une vie.

Ne voulais rien savoir.

La mort d'une ma mère n'avait pas été l'occasion d'une terrible initiation pour se laisser enchaîner aux besognes d'une vie humaine. 

Refuser tout compromis.

Être une absence.

Voilà.

Je pleurais quand le sperme giclait sur les squames de la créature de papier. 

Les taches épaisses et blanches dessinaient des territoires que je regardais longuement comme autant d'horizons impénétrables auxquels je ne pouvais soustraire. 

A force un pénis irrité.

La présence débordait de soi-même et soi-même se montrait lamentable.

J'avais la nausée de côtoyer.

Devant l'impossibilité d'échapper à l'emprise d'une personne:

Dépression.

Il paraissait si loin le temps des noces avec la nuit. 

Des journées entières à fixer la morne station d'une existence. 

Gésir.

Et puis soudain en rage.

Ecrire.

Aligner signes.

Masturber verge.

Des scènes horribles et tragi-comiques où d'immenses quantités de chair humaine fusionnaient dans la mort. 

Pleurer.

Encre et sperme se mêlant.

Honte.

Rappeler une ma mère.

Qu'elle sauve.

Raison manquait.

Maman.

Viens au secours.

Les heures affreuses filaient de jour comme de nuit.

Privé du moindre allant je stagnais dans l'attente qu'une ma mère s'éveille.

La dépression ne tolérait aucun partage. 

Seules les furieuses séances d'écriture onaniste mobilisaient.

Des images d'une ma mère traversaient.

Elle dansait autour.

Nue.

Elle chantait.

Une ma mère morte.

Je détestais dans l'appartement de type 1 bis.

Lamenter sur un sexe cramoisi.

Observer un visage dans un miroir.

Donner des claques.

Griffer.

Cracher sur une mon image.










le médaillon - - l'index - 10 - avril 2014

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