mercredi 28 août 2013

377 - Voyage à Mazamet - 22







Notes en vue d'un cri






La photo m'a vu. 

Elle a scruté 
vers cet instant 
de ma mère 
en larmes 
et j'ai regardé 
les yeux
de ma mère en larmes 
dans l'audace 
          de ma peau. 

La photo a dirigé son oeil 
de loin 
vers ma mère 
en larmes 
sur un brancard 
et j'ai fait le point 
sur sa peau 
chimiothérapisée 
jusqu'au bout 
          de mes ongles. 

Elle a montré 
cet instant 
de ma mère 
pour la dernière fois 
de ma vie 
sur un brancard 
dans les veines 
          de mon corps. 

La photo a exposé le départ 
de ma mère en larmes 
sur un brancard 
pour la dernière fois de 
ma vie et j'ai vu 
pas un regard 
pour moi 
tant ses larmes l'occupaient 
jusqu'au fond 
          de mes viscères. 

La photo a révélé 
cet instant de ma mère 
pour la dernière fois de ma vie
sans que je lui dise au-revoir
à jamais 
pour toujours
dans les nerfs
          de ma bouche. 

La photo a résonné 
des cris de ma mère et 
de ses sanglots et puis 
du son de l'ambulance 
dans le silence 
de cet après-midi 
dans une petite ville 
du sud de la France 
à même la membrane
          de mes tympans. 

La photo a montré 
ma solitude incroyable 
dans le hall de la maison 
devant 
ce bouquet de fleurs
posé sur une 
console

La photo a dit 
le viol de ma voix 
dans les larmes 
de ma mère. 


*


J'ai marché lavé de tout. 
Rien ne s'était passé. 
Rien n'avait eu lieu que le monde 
à l'ordinaire. 
J'ai été un homme encore une fois 
dans l'air flagrant 
de la montagne Noire. 
Et ma douleur a été douce oui
je l'ai cueillie dans l'herbe et puis 
je n'en ai rien fait. 
J'ai marché seulement 
vers l'or mat et sans apprêt 
d'une vie humaine

Et si ma mère était
lamentable c'était 
à la manière d'une chute. 

Et si ma mère ne disait 
jamais rien c'était 
à la manière d'un incendie. 

Et si ma mère n'était
pas une mère c'était 
pour que mes vacances soient
plus longues. 

J'ai marché dans la châtaigneraie. 
Je n'ai rien fait de ma douleur. 
Ma voix m'a enfanté 
dans le silence de son retrait. 
Je ne me suis pas retourné. 
J'ai laissé-là 
le nouveau-né
hurler 
dans les langes
des feuilles mortes. 










Voyage à Mazamet , notes en vue d'un cri - 22, mardi 27 août 2013

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour Julien,
Un grand bravo pour ton texte.
Amicalement
Marcel