vendredi 19 juillet 2013

372 - peut(-)être un journal






Brisé. Je suis brisé. J'erre dans la fatigue. Accablé. Quelque chose a implosé, en silence, dans le plus qu'intime du vivre. Quelque chose s'est donné en se rompant. Sans que j'en sache rien. Il y a eu un passage, quelque part dans mes jours, une traversée que j'aurais effectuée. Sans rien en apprendre. Aujourd'hui, je suis de l'autre côté du précipice. L'aventure m'a défait. Il me reste maintenant à comprendre. Ce que ce fut cette quête à mon insu. 
Quel est le visage de cette fatigue?
Comment renouer avec ce que je deviens sans combler l'écart où se loge ma parole?

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Les vacances. Comment faire? 

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Au matin récent les herbes durent encore les unes après les autres.
Je ne m'en remets pas. 

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Il est certain que les Balises n'intéresseront pas des lecteurs qui cherchent le plaisir ou l'émotion. Seul, éventuellement, un lecteur (ou deux?) avide(s?) d'ennui - ce pourtant nouvel eldorado de notre temps - serait réceptif à un tel travail. 
Ou bien le formalisme de mon entreprise est tel qu'il pêche - au sens premier du péché dans la culture juive : rater la cible, le but. 
Mais de ce ratage s'ensuit le désir non?
Le mien sans doute, quant à celui d'autrui...

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peut(-)être : l'incertitude et la possibilité, l'une conditionnant l'autre et réciproquement, par l'opération du trait d'union entre parenthèses.

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L'Homme aurait pu ne pas être. 
Chaque humain aurait pu ne pas être (après tout Ginette et Gaston auraient pu ne pas s'aimer). 
Notre présence est accidentelle (et si D/ieu est à notre origine, disons qu'il aurait pu choisir, dans son infinie liberté, de ne pas nous créer). 
C'est en cela que notre présence cause du désir.
A (trop) croire que notre présence est destinée - qu'elle n'aurait pas pu ne pas être - meurt le désir: cette incertitude et cette possibilité liées dans le nerf de la langue. 

L'éducateur spécialisé épouse toujours la cause de l'accident, c'est-à-dire, en dernier terme, de l'Homme. 

Un chien aussi aurait pu ne pas être. Oui, mais lui ne se débat pas avec le sens de son existence, il en reste à son existence. 

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"L'industrie est un système guerrier, qui gère l'humanité au nom d'une science religieuse."

Heidegger cité par Pierre Legendre 
dans "L'empire de la vérité", Fayard, 
malheureusement, je ne retrouve pas la page.


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Ecrire, c'est toujours puiser dans la ténébreuse énigme d'un rêve pour en tirer une expression qui formule, dans le sens juridique d'un savoir distinguer, qui sépare et ordonne.

Ecrire, c'est légiférer dans le rêve.

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Voici un cri. Voici un poème. Voici un film. Voici un homme. Voici
 Clint Mattei que je suis heureux d'accueillir dans ce blog.
Prendre le téléphone portable de son fils. Porter quelque chose de soi, de sa colère, de sa folie. Sublimer la disparition brutale de sa discipline décidée par de lointains technocrates. Se séparer de la physique appliquée, d'une culture de métier, d'une façon d'être prof. Retourner la situation d'irrespect, de mépris, par le truchement d'un acte créateur. D'une violence subie saisir l'occasion de promouvoir sa liberté. Mettre en scène un envol. Faire jouer son propre père pour affirmer la continuité des générations. Proposer un acte authentique de cinéma avec trois fois rien. Et vivre nom de nom! Nous sommes des enfants!



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4 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

Heidegger : "l'industrie est un système guerrier" a sans doute inconsciemment émis l'autre phrase suivante :

"le système guerrier est une industrie" (il en a connu un rayon).

Julien Boutonnier a dit…

@dhasselmann Oui la Vie pour ce penseur semble belle quand les hommes ne souillent plus la pureté de l'Être. Il y a dirait-on une drôle d'attirance entre la pensée la plus élevée et le mal.

Brigitte Giraud a dit…

"vivre avec son manque" disait l'autre. Et trouver ça rudement bon le vibrant que c'est !

Julien Boutonnier a dit…

Oui, le manque en soi est un visage joyeux dès lors qu'on s'y fait.