mardi 9 avril 2013

334 - peut(-)être un journal






Impression lancinante de marcher exactement où piétine mon travail. 
Gare à l'éparpillement. Rester centré sur les balises. C'est peu ces balises c'est beaucoup. Une par semaine, peux pas aller plus vite. Il me faut du temps pour en arriver à la densité adéquate, à cette sorte de confusion du feu que je recherche, à ce noeud qui explose et tient bon.

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Si je me prenais moins au sérieux, il est probable que j'écrirais plus sérieusement. Alors? Hé bien, disons que je compte sur vous.

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Sagot Duvauroux :

N'être que le sursaut d'une braise dans la fournaise. S'accepter du moindre souffle. Refuser la castration d'un mode. S'attacher à la soif non au goût. Tenter tenter. La polyphonie est trop arrangée trop sublime pour la vérité. Cacophonie va mieux, je suis désolée. L'irrécupérable est aussi le boulot de la poésie.  
Le vent chaule, suivi de L'herbe écrit, José Corti, 2009

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J'ai fait un cauchemar.


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Je saigne. J'attends à la porte. Je regarde ma peau longer le temps, les rigoles écarlates ruiner mon sourire. Il est d'usage aujourd'hui de faire le deuil. Clin deuil, hop, voilà, je vais bien. Mais non, c'est le deuil qui nous fait, il prend le temps le deuil, il est patient avec nous, il n'est pas tendre. 

Nous sommes la matière d'une souffrance inhumaine: ce cri de la bête projetée dans l'ordre du manque. 

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Mère lamentable : personne sur qui on peut se lamenter.

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Il pleut sur la blessure. Le silence brûle. Jolie fumée dans la fraîcheur de l'air.

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Betteravailler: écrire avec une betterave.

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Il reste à inventer l'ostéonirismologie: la science des rêves des os. J'écrirai un magnifique livre avec des illustrations fabuleuses dans lequel seront posés les fondements de cette science antique qui n'existe pas encore.

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La fatigue est un bon port. On y arrive sans plus d'espoir. Il ne reste qu'à vivre, abandonné, sans attentes: à oeuvrer dans le terrain vague, à jardiner les plantes rudérales.

J'aime ce moment où, vaincu par la fatigue, je dépose les armes et rend la journée à sa gratuité native.

La fatigue est une carrière à ciel ouvert. On y trouve, pour peu que l'on se résigne à y déployer une activité de recherche, des matières de première et rêveuse nécessité, des pépites de souffle chaud, des formes défaites qui persistent dans une étrange phosphorescence, toutes choses qui établissent un regard au-delà des présences, des reliefs, surfaces et voix. La fatigue est le véhicule d'une prescience précieuse et inutile comme un coeur d'homme.
Lever les yeux en fatigue, le ciel ouvert délace le corset de l'inspir.

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#MMERE
-----) Voyage à Mazamet.
Sincèrement, cette entreprise me révulse. Je n'aime pas écrire cela. Mais quoi? Je n'en sais rien à vrai dire. Je ne sais pas ce que j'y fais, dans ces notes en vue d'un récit. Ce que je pressens: un cri. Ce texte s'apparente à un cri. J'ai le sentiment de briser, de casser, de rompre l'objet même qui constitue l'atome de ma présence. C'est pourquoi je continue. Parce que cette proximité entre s'écrire et s'écrier, je ne peux la délaisser dans la jonchaie des hasards. Il s'agit d'articuler air et eux, eux et air, le souffle et les autres, la visibilité et les visages, l'espace et l'amour. Qu'ils s'enlacent, dansent, se mélangent à la fin des verbes pour que ceux-ci, de deux, ne fassent qu'un, dans l'incarné du texte.



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#DEPOURVU:
-----) guérilla écriture (écrire en zone déportée) : embuscade dans le métro, prise: 78 mots.

Choisir parmi les ronces un baiser de ta bouche m'a ôté du nombre des viandes. Les tumultes sages, les joies désertiques, la primauté des fleurs. Peu à peu j'ai lâché le guidon. La nuit a bu aux pores de nos étreintes. Le premier jour s'est régalé de nous. Près du rivage flotté, herbe rêve, à l'insu du flâneur, des flots disent le nouveau roi. Ouvrir le placard et puis avaler un sandwich au pâté.
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Tout le monde marche vers la nuit,
moi seul construit une hutte.

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Petite contribution à la ténacité de Florence Trocmé.

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Chez les autres:

J'avale l'évidence de l'eau dans
mes mains en travers
de toute ta figure.
Tu dis
que l'odeur du lait se souvient
de la peau.


Dans le thorax ce bruit, seulement le bruit de ceux qui fuit (il parcourt jusqu'aux veines.)


On n'est jamais absent, pourtant je ne suis pas là ou plus là. Je suis devenu un papillon de nuit, bercé par le mouvement et attiré par les lumières synthétiques qui colorent les rues désertes et donnent une apparence fantomatique aux errants fatigués.


          on ne se rejoint jamais
          tout à fait on se demande par moments
          si on aura le temps -

          à défaut de se rejoindre

          - de toucher quelque chose
          dans ce dedans trop dedans


Ce montage la mort nous y oblige, écrit Patrick Baudry dans La place des morts (1999), la mort n'envahira pas la terre promise aux vivants à la condition qu'ils lui ménagent une place dedans. Il s'agit de régler ce passage, ce détour par lequel la mort est reconnue et les morts repoussés à l'intérieur d'un fort dont ils ne sortiront pas, déterminant en contrepartie l'espace des vivants dont on peut voir d'en-haut très clairement les contours.


Comme un chien j'aurai passé toute ma vie à ronger l'éphémère.


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