vendredi 8 février 2013

313 - peut(-)être un journal

Asthme : mélancolie du souffle.

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Un enfant me dit : " C'est pourri à dormir debout."

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J'ai regroupé tous les libellés concernant ce qui s'avère être, avec le recul, une première période de ce blogue, de février 2012 à septembre 2013. Il y est question de la vie présente et passée d'un couple avec un enfant en bas âge, (ainsi que de quelques autres personnages), projection pas du tout voilée de ma propre existence dans les contrées des paragraphes. J'ai essayé de raconter une histoire au jour le jour. Je crois que ces quelques lignes, parmi les dernières que j'ai consacré à Joseph, Clarisse et Sarah, montrent bien de quoi il était question:

Par la fenêtre Clarisse regarde la rue de la nuit. Tombe une averse froide de l'automne naissant. Les gouttes en chute libre miroitent brièvement dans la lumière des réverbères. Quelques soupirs soulèvent sa poitrine et roulent en buée sur la vitre. Il faudrait dire quelque chose maintenant, à l'usage d'elle-même et de tous. Elle se souvient peut-être d'un horizon fugace aux apparences définitives. Elle se souvient avoir pensé, un jour de son adolescence, pouvoir l'exprimer et le partager avec d'autres, ce lointain si proche, si évident, cet appel d'un ailleurs en soi. Mais aujourd'hui ne caresse son visage qu'un silence : cette impuissance qui la froisse, l'amatit, la limite et lui fournit la matière si précieuse de sa personne à offrir en partage aux siens aimés.

Chroniques des jours improbables. La clé pour comprendre ce titre réside dans cette phrase qui fut un temps sous l'intitulé du blogue : Ce qui est - les poissons, les fourchettes, ton oeil, une table, les grèves, le silicium, une fleur - demeure improbable. Le jour où tu l'oublies, tu ne vois plus ce qui est. Le thème de ce travail tourne donc autour du mystère, du nocturne, que recèle toute présence, vivante ou non, parce qu'elle aurait tout aussi bien pu ne pas exister (y compris et surtout nous-mêmes)

Ces textes demandent à être élagués, ordonnés, réécrits, composés pour former un tout cohérent. Je le ferais quand j'aurais le temps. Autrement dit, certainement: jamais. Tant pis. 

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A ce propos du temps, j'ai été secoué par le dernier texte de Jean-Marc Undriener. Comme ce qu'il raconte d'une existence passée à l'exprimer sur les réseaux et son site, au détriment d'une vie vécue pour elle-même, gratuitement, est salutaire. Il est je crois question de silence. De la place du silence. De sa nécessité. Silence dans lequel le souffle qui traverse nos poumons va et vient, et se raconte à nous, et se laisse entendre, et se fait monde, et ouvre les plaies, et les soigne, et les jardine, et recompose nos visages au plus près de ce que nous sommes.

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Je crois que je commence, enfin, à entendre un peu la poésie, depuis que mes yeux sont voilés d'amour. Quant à l'objet de cet amour, peut-être serait-il pertinent d'affirmer qu'il est ce qui anime le visage de ma femme, son regard slave emporté.

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 Le moinal solitaire est un petit oiseau qui vole en ville à toute heure en quête d'un peu de considération.

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S'en aller dormir, c'est comme prendre la main d'une femme: on ne sait quelle cause on épouse.

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Dans mes os fourmille le présent. Mon squelette est un passage, un hébreu, mes os parlent les mots de la Bible, ils sont neufs autant que ce texte à l'ardeur juvénile.

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Je prends le stylo bien que rien ne me vienne à l'idée; parce que rien ne me vient à l'idée je prends le stylo. Je ne m'exprime pas sur tel sujet; c'est l'absence de sujet qui jouit de ma présence, de ma bonne volonté. Et il advient ce qui de moi est le plus proche du minéral, de ce temps de la pierre, de cette écoute vaine et si sensée des poussées tectoniques à laquelle s'adonnent les ossements des anciens, il advient mon squelette pensant.

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#MMERE  J'ai écrit une deuxième version de Ą (R,6), ôtée de la référence directe à ma mère. Cela fonctionne mieux je crois. Plus équilibré, du moins, d'un déséquilibre plus harmonieux.  J'ai publié M.E.R.E - 6 (j'en suis très moyennement content, à reprendre: impression désagréable d'avoir manqué la cible (premier sens du verbe pécher dans la tradition biblique)) où j'expose le repère dans lequel vont se loger les balises, 32 en tout. Je me demande si je vais assumer cette contrainte. 
Il me reste à travailler. 
J'ai presque fini la collecte de la matière première du non-souvenir et des Camps. 

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Cadenassé dans ma peau ce jour blêmit jusqu'à se fondre dans le blanc de mes yeux morts.

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Revenir à soi est un chemin qui nécessite l'oubli, le pardon et puis un solide sens de l'humour.

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BRUME: créer un blogue. Photo de la foule à Noël, ce déversement de viande et de cartes bancaires dans les magasins. Brume: poésie de la dissolution dans l'achat de marchandises. Référence : Le quatuor à cordes II de Morton Feldman.

Par exemple: 

les vitres
devant
les mannequins
nos morts
lévitent 
en habits
de brume

ou bien

les cheveux
dans les doigts
jouent
devant
les miroirs
oublient

ou encore

légers pas
derrière
les paroles
lumière
au travers
des soldes

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Il y a eu des retours chez Twitter pour la deuxième version de Ą (R,6). Ce sont des phrases toutes simples qui ont été relevées. (Les liens conduisent aux sites:) @SabineHuynh : "Les fleurs m'ont tu. Les taxis jaunes ont roulé." @gvissac : "Je me suis vu je crois que je me suis fané." @christogrossi "La main a remué. Emué. Les fleurs ont eu ma tête, mon visage, elles ont eu mes yeux." 
Peut-être, je dis bien peut-être, suis-je en train de sortir du mot pour entrer dans la phrase. Ce serait merveilleux. 
Merci à eux qui ont lu ça. Nous lisécrivons ensemble : parfaite horizontalité de la transcendance aujourd'hui : D/ieu serait à l'horizon, non plus au ciel. Parfaite application de la leçon du E qui, au début de sa vie, avait ses trois branches tournées vers le ciel et qui, peu à peu, s'est orienté vers ses amis les autres lettres (voir  Mystère de l'alphabet de Ouaknin).

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Assumer la première mouture de peut-être, que j'ai reprise pour ce journal : peut(-)être. Après tout, il y a l'essence là: la possibilité et l'incertitude liées en un seul mot.

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